La ligne de chemin de fer Saint-Étienne - Lyon
 

Il s'agit de la deuxième ligne de chemin de fer d'Europe continentale. Elle était destinée à offrir un débouché vers le Rhône au charbon stéphanois ainsi qu'aux produits industriels et à concurrencer le canal de Givors dont les prix étaient jugés excessifs.

La première ligne de Saint-Étienne à Andrézieux, offrant un débouché vers la Loire, est en fin de construction et Beaunier souhaite que sa société, la Compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à la Loire, obtienne la concession de la deuxième ligne puisque, pour lui, la liaison Rhône - Loire, est un ensemble non divisible. Malgré des demandes répétées, l'ordonnance royale signée par Charles X le 7 juin 1826, a accordé la concession à la Compagnie Seguin frères, Biot et Cie, évitant ainsi une situation de monopole dans le transport entre le Rhône et la Loire.
L'ordonnance du 7 mars 1827 autorisait la constitution de la Compagnie de chemin de fer de St-Étienne à Lyon et celle du 4 juillet 1827 approuve le tracé. Cependant, pressé, Marc Seguin fait commencer les travaux dès septembre 1826 et, en un an, la ligne, terminée à plusieurs endroits, totalisait déjà 10 km.


Plan de 1836, la ligne occupait la rue de la Montat actuelle, apparaît aussi le projet de prolongement vers le Treuil, AMSE

Comme pour la première ligne, la voie ferrée destinée à faire le lien entre deux fleuves, est désignée sous le nom de "canal sec". On en trouve l'illustration sur la ligne de Saint-Étienne à Andrézieux dans le nom d'un chemin près de l'ancienne voie :

Les plateformes de chargement étaient appelées des "ports secs" comme on le voit sur le plan de 1836. La jonction entre les deux lignes se faisait au Pont de l'Âne mais la voie se prolongeait jusqu'aux entrepôts de Bérard. Il existait plusieurs ports secs le long de la ligne et on trouve encore aujourd'hui la rue du Port-Sec à Saint-Chamond.

À l'autre extrémité, c'est toute la presqu'île de Perrache qui est aménagée sur les vastes terrains (283 000 m2) cédés par la ville en 1826 aux frères Seguin moyennant la somme de 15 000 F par an pendant dix ans. Cette concession est accordée par une ordonnance royale du 13 juin 1827.
Après avoir acheté et testé deux locomotives anglaises Stephenson et non convaincu du résultat, Marc Seguin en transforme une avec sa chaudière tubulaire. Comme la puissance lui paraît cette fois-ci suffisante, il construit alors complètement une nouvelle machine. Dès le 7 novembre 1829, cette première locomotive à vapeur de Marc Seguin est essayée dans ses ateliers.
Là, sont aussi aménagés un port sec et une gare d'eau afin d'organiser le transit des marchandises entre le fleuve et la voie ferrée.


Cadastre de 1831, AD69

Une branche de la voie ferrée va s'arrêter à l'est, entre la gare d'eau et le Rhône, où doivent se trouver des ateliers et un embarcadère. De moins en moins utilisée, la gare d'eau disparaît par sections à partir de 1860 mais ne sera comblée totalement qu'en 1947. En savoir plus sur la gare d'eau...

De Bérard à la Mulatière, la distance était de 55,156 km et la voie a nécessité la construction de 112 ponts et ponceaux dont le pont de la Mulatière (en 1830) et le percement de 14 tunnels d'une longueur totale de 4000 m parmi lesquels 3 importants, le tunnel de Couzon (en 1830, longueur 977 m), le tunnel de la Mulatière (en 1831, longueur 400 m) et celui de Terrenoire (en 1832, longueur 1506 m). La ligne est à double voie d'une largeur de 5,50 m à l'exception des 3 tunnels où elle est réduite à une voie de 3,50 m de large. Un nouveau tunnel a été percé à Couzon en 1856 pour créer une 2e voie.


Les tunnels en 1865, photo d'Auguste Hippolyte Collard (1812-1893). Paul Getty museum Los Angeles.


L'intérieur de l'ancien tunnel de Couzon, photo Georges Pitiot

Aujourd'hui entrées du nouveau et de l'ancien tunnel (inscrit aux MH), photo base Mérimée


Le pont de la Mulatière vers 1830, à gauche, une locomotive. La partie routière du pont était à péage. BM Lyon. Ce pont, remplaçant celui de 1776, sera lui-même remplacé en 1842 par deux ponts permettant ainsi le passage des locomotives jusqu'à Perrache, passage suspendu jusque-là pour ne pas effrayer les chevaux

Les éléments de rail étaient en fer forgé d'une longueur de 4,57 m, d'un poids de 59 kg et portés par des coussinets de fonte de 3 kg fixés sur des dés de pierre au moyen de chevilles de bois. L'écartement des rails est le même que pour la ligne Saint-Étienne - Andrézieux, 1,45 m, ce qui permet une libre circulation.

L'ouverture de la ligne s'est faite par tronçon. Le 28 juin 1830 ouverture Grand-Croix - Givors où, là aussi, une gare d'eau a été aménagée ; le 3 avril 1832 ouverture Lyon - Givors ; le 1er octobre 1832 ouverture Grand-Croix - Saint-Étienne seulement pour les voyageurs, les marchandises circuleront à partir du 25 février 1833.
En savoir plus sur la gare d'eau de Givors...

Sur le tronçon Grand-Croix - Givors, la descente se faisait par gravité et le retour par traction hippomobile, les chevaux étant descendus dans les wagons. La première traction mécanique a eu lieu au début de 1831 sur ce tronçon grâce à une locomotive mise au point par Marc Seguin dont il avait déposé le brevet en 1830.


Locomotive Seguin utilisée sur la ligne Saint-Étienne - Lyon


Lithographie représentant les matériels utilisés sur les trois premières lignes

Dès 1831 a aussi commencé le transport des voyageurs. Lorsque la pente devenait trop importante, les locomotives devaient être aidées par des chevaux.
Malgré l'achat en Angleterre puis la construction en France et même l'importation des États-Unis de machines plus puissantes, la remonte ne pouvait pas se faire par les seules locomotives jusqu'à Saint-Étienne.
Ce n'est qu'après l'invention du tender-moteur par Jean-Claude Verpilleux (brevet du 26 septembre 1842) que l'on a pu se passer d'une aide extérieure. Cependant, Verpilleux n'organise la remonte que jusqu'à Terrenoire, les chevaux terminant le trajet. Il a fallu attendre le 1er août 1844 pour qu'un convoi de voyageurs tracté seulement par une locomotive arrive jusqu'à la gare à Bérard. Ce sont les locomotives Clément-Désormes, construites à Oullins qui vont prendre le relais.
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La ligne sera prolongée jusqu'à Roanne suite à la concession de 1829 accordée à François Noël Mellet et Charles Joseph Henry.
Voir le dossier consacré à cette ligne.