La place Marengo et Daphné

 
Le 4 mai 1793, Louis-Joseph Praire-Royet alors maire de la ville cède gratuitement un terrain, une autre partie appartenant aux Hospices est échangée créant ainsi un espace permettant la création d'une Place Nationale.
Le 23 ventôse an IX (14 mars 1801) le Conseil municipal décide d'agrandir la place en achetant des terrains supplémentaires auprès des héritiers de Louis-Joseph Praire-Royet celui-ci ayant été fusillé le 5 décembre 1793. Il est également décidé d'appeler cet espace place Marengo en hommage à la victoire napoléonienne dans la région piémontaise le 14 juin 1800.
Sur cet espace il est également prévu d'aménager une promenade publique dont on ne trouve le plan qu'en 1807 entre la rue Praire et la rue de Lodi. Les plantations d'arbres ont commencé en 1809 et des travaux de nivellement sont entrepris en 1817.

Depuis 1828 un terrain avait été réservé pour construire une nouvelle église projetée depuis 1825, il s'agit de la place Saint Charles annexée à la place Marengo. À cet endroit se tenait le marché aux fourrages et, en 1856, du gravier y fut répandu pour assainir le terrain. Par l'intermédiaire de la presse, les promeneurs réclament qu'il en soit de même sur la place Marengo notamment le long de la rue de Roanne pour éviter la boue les jours de pluie.

Autour de la place des bâtiments se construisent avec notamment en 1853 l'immeuble construit pour Pierre Cessieux qui abritera de nombreux fabricants de rubans. Il est connu aujourd'hui sous le nom d'immeuble aux têtes remarquable par la présence sur ses trois façades de 62 mascarons tous différents et comprenant autant de têtes d'hommes que de têtes de femmes.

En 1857 le Ministère de l'Intérieur alloue une subvention de 10 000 F dont une partie va permettre d'aménager un jardin sur la partie est de la place avec de nombreuses plantations de fleurs et d'arbres, dont plusieurs espèces exotiques comme un Araucaria, autour du bassin avec jet d'eau. Une partie est surélevée à l'endroit où se produit la fanfare.
En 1860 une subvention du Préfet de 40 000 F est affectée à une rénovation des jardins du côté ouest de la place Marengo avec quatre pièces d'eau. Le plan est confié à l'architecte Étienne Boisson. Cependant, suite au manque d'eau des années 1858 et 1859, une discussion s'engage sur l'opportunité de cette utilisation de l'eau des fontaines. Rappelons que le barrage du Gouffre d'Enfer ne sera inauguré que le 28 octobre 1866. Il est donc proposé de creuser les bassins mais de les engazonner dans un premier temps et de ne les mettre en eau que lorsqu'un nouvel approvisionnement sera disponible. Cependant le maire, Faure-Belon, trouvant cette phase intermédiaire inutilement coûteuse, propose de remplir les bassins avec une quantité moindre d'eau, solution approuvée par le conseil.


Le bassin côté ouest vers 1905

La construction de l'église est relancée et en 1860 les plans de plusieurs architectes sont étudiés mais en 1861 rien n'est tranché.

À partir de 1866 il est question de construire sur la partie est de la place un pavillon afin d'abriter la fanfare et d'apporter une meilleure accoustique car la musique militaire se produisait souvent sur cette place. C'est ainsi qu'en 1870 fut construit le premier kiosque à musique par l'architecte Louis Mazerat.


Le kiosque de Mazerat vers 1905

Dans sa séance du 20 août 1901 le conseil municipal décide d'ériger la statue de Francis Garnier place Marengo entre le kiosque à musique et le jardin et faisant face au kiosque. Le monument, inauguré le 12 janvier 1902, sera ainsi tout près de la maison dans laquelle il est né.


Derrière la statue de Francis Garnier le jardin est orné de quatre vases Médicis. En arrière-plan l'hôtel de ville avec son dôme

Cette statue est très vivement critiquée et la presse la trouve même ridicule tant les proportions des bras ne sont pas réalistes. Vont venir s'ajouter d'autres critiques avec l'installation en 1907 d'une statue de Daphné au milieu du bassin du côté ouest de la place. Daphné changée en laurier est une oeuvre de Jules Dercheu (1864-1912). L'originale en marbre commandée par l'État était destinée à la décoration du Jardin des Tuileries. Le 28 décembre 1898, le conseil municipal décide d'en commander une copie en bronze d'abord destinée au musée pour la somme de 2500 F, une somme équivalente étant versée par l'État. Peu après sont ajoutés sur des socles en rocaille quatre tritons crachant des jets d'eau puis l'on apporte quelques cygnes du Parc de la Tête d'Or de Lyon. Ces derniers seront accompagnés en 1916 de deux cygnes noirs cadeau de la ville du Puy.


Le bassin vers 1908 avec la Daphné, les tritons et les cygnes

Dès 1908 il est question de construire un nouveau kiosque à musique ; l'existant ne satisfait pas les musiciens car il est trop petit et pose des problèmes d'acoustique, la proximité de la rue Francis Garnier créant une dispersion des sons. De plus la circulation, et notamment les tramways, ajoute des bruits indésirables. La nouvelle situation proposée est sur la partie ouest de la place Marengo. Le projet prévoyait la construction au-dessus du bassin.
La décision de construire le nouveau kiosque a été prise le 8 novembre 1912, il sera finalement édifié sur la partie est de la place mais plus près de la préfecture ce qui entraînera une modification des jardins.
Le 9 mai 1913 il est décidé de faire un seul jardin avec un bassin conformément au plan ci-dessous, c'est ce que l'on voit aujourd'hui. Dès 1914 le nouveau bassin est installé en prenant la place de l'ancien kiosque. Un peu plus tard seront installés, au centre, deux Tritons en pierre donnant ainsi leur nom au bassin.


Le bassin des Tritons

La statue de Francis Garnier devant être déplacée au nord de la place sera finalement implantée place Mi-Carême (place Jean Ploton) en 1913. Cette même année le monument à José Frappa que l'on voit aujourd'hui à la place que devait occuper le monument Garnier est édifié d'abord côté ouest.


Le monument à José Frappa côté ouest, en arrière-plan l'église Saint Charles (aujourd'hui cathédrale) construite de 1912 à 1923

Le 30 décembre 1919 le nom de Marengo disparaît au profit de la place Jean Jaurès. Elle redeviendra place Marengo sous le gouvernement de Vichy entre le 26 novembre 1940 et le 9 novembre 1944.

Dès 1926 on se plaignait du mauvais état des Tritons en pierre, ils disparaissent en 1933 en même temps qu'est réaménagé le bassin avec l'installation d'une rampe de jets d'eau et de deux Génies marins en métal fondu chevauchant un dauphin que l'on voit encore aujourd'hui.

En 1942 Daphné subira le sort de pas mal de statues en bronze de notre ville, déboulonnée on n'en retrouvera pas la trace. Elle a probablement été fondue en Allemagne. Il faudra attendre 2022 pour qu'une copie soit réalisée et implantée dans le seul bassin encore existant place Jean Jaurès. Ce ne fut pas simple d'obtenir cette copie car la statue originale en marbre maintenant au musée d'Orsay est trop fragile pour faire un moule, c'est donc la Daphné de l'hôpital Sainte-Anne à Paris qui s'est prêtée à l'obtention d'un moulage en cire que l'atelier d'art Rosini à Paris a transformé en notre nouvelle Daphné en bronze doré inaugurée le 8 mai 2022.


Daphné changée en lauriers, copie de l'oeuvre de Jules Dercheu (1864-1912), photo Nadège Niquet

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