L'histoire du tramway à Saint-Étienne

 
L'histoire du tramway débute assez tôt dans notre ville mais, contrairement à ce que les stéphanois pourraient penser pour l'avoir toujours vu, la première ligne a été ouverte non pas à Saint-Étienne mais au Havre au début de l'année 1874. D'autres villes ont suivi avant que Saint-Étienne se dote d'un tramway. La particularité de notre ville est de l'avoir conservé depuis sa mise en service jusqu'à aujourd'hui sans interruption.

Mais d'où vient le nom de tramway ? D'après le journal londonien disparu en 1938, Saturday Review, en 1767, le directeur des forges de Coalbrookdale eut le premier l'idée d'installer des rails en fer pour faire circuler les bennes de houille de la mine à l'usine et il a appelé cette nouvelle voie tramway. Ce nom serait tiré d'un dialecte du nord de l'Angleterre où tram signifie charrette. N'ayez donc pas de scrupules à dire que vous prenez le tram puisque cela correspond bien au véhicule qui roule sur le tramway c'est-à-dire les rails.

Tout commence à Saint-Étienne par une enquête ouverte par le Préfet de la Loire, Joseph Ducros, en novembre 1871. Celle-ci concerne un projet d'établissement d'une voie ferrée à l'américaine à traction à cheval entre La Terrasse et Bellevue. Le conseil municipal du 6 décembre débat de ce projet, débat assez bref pour noter que la rue n'est pas assez large compte-tenu de la circulation et du stationnement, que les moyens de transport existants sont suffisants et le projet est rejeté.
Afin d'éviter tout reproche, le maire, Claudius Desjoyaux, se fait communiquer par le Préfet le dossier complet. Celui-ci comprend trois propositions d'entreprises. Celle de M. Chabert stéphanois, celle de M. Gauthier qui a réalisé "le chemin de fer américain" de Genève et MM. Warring frères qui ont fait les mêmes travaux à Paris et à Londres. Une commission d'étude est nommée, les propositions sont devenues caduques et il n'y eut pas de rapport.

Le 18 mars 1874, le Préfet, Philip de Cardon de Sandrans, apporte deux nouveaux projets, pour ce que cette fois-ci on appelle un tramway, l'un de M. Raclet ingénieur à Lyon, l'autre des associés MM. Micol et Charrière.


Tramway à traction animale du projet Micol et Charrière, archives municipales.

Le projet s'étoffe puisque M. Rasclet propose trois lignes au départ de l'Hôtel de Ville, une vers La Terrasse, une autre en direction de Terrenoire et une troisième vers Bellevue avec prolongement possible jusqu'au Pertuiset. La deuxième proposition est un peu plus modeste, elle comprend une ligne Bellevue - La Terrasse avec un embranchement en direction de la gare de Châteaucreux. Une nouvelle commission est nommée.

De rapport en commission ce n'est que le 28 octobre 1876 qu'il est décidé d'établir un réseau de tramways d'abord une ligne Bellevue - La Terrasse avec plus tard des lignes annexes.
Le 25 octobre 1877 il est noté que le concessionnaire de la ligne sera M. Mundel & Cie. Immédiatement, il est réclamé d'étendre le tramway hors du périmètre urbain en direction de Firminy et de Rive-de-Gier, ce qui va nécessiter de nouvelles études et un nouveau cahier des charges.
Après de nombreuses modifications du cahier des charges et des allers-retours entre la Mairie, la Préfecture et le Ministère, les années passent et ce n'est que le 27 octobre 1880 que le décret ministériel déclare enfin "d'utilité publique l'établissement d'un réseau de tramways, à traction à chevaux, dans la ville de Saint-Étienne et sa banlieue".
La mise en fabrication des rails en acier par des ateliers de Firminy débutent dans les semaines qui suivent, la commande étant de 10 000 tonnes. La pose commence à partir de Firminy. En parallèle, des travaux se font au coeur de Saint-Étienne.
En attendant la mise en service des tramways urbains, les omnibus, c'est ainsi que l'on nomme les voitures à cheval, offrent de nouvelles possibilités comme une liaison directe Bellevue - La Terrasse à l'été 1881.


1881 omnibus tramway dit car Ripert archives municipales.

Le conseil municipal du 23 avril 1881 se penche sur la demande de M. Mundel & Cie de remplacer la traction animale par des locomotives à vapeur. Malgré de nombreuses protestations de certains citoyens, la proposition est acceptée de manière provisoire à deux conditions, que la vitesse soit de 8 km/h pour des raisons de sécurité et que la chaudière soit alimentée au coke afin d'éviter les fumées.
Dès novembre 1881, ce sont 18 voitures et locomotives de type Brown qui sont livrées dans la gare de Bellevue qui a été établie sur un terrain loué à la Compagnie pour une durée de 40 ans.

Est-ce un hasard ou un choix délibéré, mais c'est finalement le 4 décembre 1881, jour de la Sainte Barbe, que les premières locomotives à vapeur tractant deux ou trois voitures ont fait le trajet Bellevue - place Marengo, circulation qui fut interrompue par le brouillard, et le 11 décembre sur le trajet complet Bellevue - La Terrasse malgré la neige tombée en abondance pendant la nuit. Les rails avaient été posés au milieu de la chaussée et étaient donc utilisés à la montée et à la descente, des rails de dérivation permettaient les croisements. Cette disposition avait permis de faire taire les critiques concernant l'étroitesse des rues et permettait aux autres voitures de circuler de part et d'autre.


Un tram à vapeur devant la célèbre droguerie Seux, à l'Ours Blanc, 28 rue Gambetta, médiathèque de Saint-Étienne.

Le succès est immédiat et c'est plus de 10 000 voyageurs par jour qui sont transportés.
En janvier 1882, la Compagnie des Chemins de fer à Voie Étroite (CFVE) de Saint-Étienne, Firminy, Rive-de-Gier émet 8000 actions. Pourquoi parle-t-on de voie étroite ? Parce que l'écartement des rails est d'un mètre contre 1,435 en France et dans de nombreux pays mais pas tous.

Faits divers : le premier accident avec un tramway fut sans gravité. Le 11 janvier 1882, le brouillard humide ayant rendu les rails glissants, le tramway a renversé une voiture de charbon trainée par un cheval.
Beaucoup plus grave, le 2 février, Henri Joseph Adam, 25 ans né à Mutzig, comptable à la Manufacture d'armes, voulant monter en marche a glissé et a eu les jambes broyées par les roues. Malgré une amputation d'urgence, le malheureux est mort le 4 mars et, selon sa volonté, son corps a été transporté en Alsace pour y être inhumé. Ce n'est malheureusement que la première victime d'une bien trop longue liste. Voir l'accident de 1907

Plus gai, le tram a inspiré des poètes locaux sans doute grisés par la vitesse !

Le 23 février 1882, la ligne de Bellevue à Firminy est ouverte avec un très grand succès.
Des rails sont posés rue de la République ce qui va permettre de relier l'axe nord-sud avec la ligne Fourneyron - Saint-Chamond inaugurée le 26 juin 1882.

En septembre 1882, une nouvelle enquête sur l'utilisation de la vapeur pour la traction des tramways est ouverte afin de rendre définitive l'autorisation. La Compagnie met en avant le nombre de voyageurs transportés soit 1 300 000 de décembre 1881 à septembre 1882. Le Conseil municipal ajourne sa réponse au 1er mai 1883. Cependant, la commission donnera une autorisation définitive malgré les nombreuses réticences le 18 octobre 1882.
La ligne de Rive-de-Gier qui s'arrêtait jusque-là à Saint-Chamond, est ouverte en totalité le 16 novembre 1882.


La place du Peuple avec un tramway à vapeur fin XIXe siècle, au fond la boutique du Sapeur, archives municipales.


Au même endroit à droite un car Ripert qui lui est en dehors des rails, même date, archives municipales.

Dès 1890 des dossiers sont déposés pour ouvrir de nouvelles lignes et en 1894, François Favre concessionnaire signe une convention pour étudier un nouveau réseau à traction électrique tout en maintenant la traction mécanique sur l'ancien réseau. Il va céder la place à une entreprise qui a déjà fait ses preuves dans l'électrification et qui va se charger des nouvelles lignes. Cette entreprise dirigée par Alexandre Grammont et Ennemond Faye va devenir début 1897 la Compagnie des tramways électriques de Saint-Étienne dont le siège est à Lyon et que les employés appelle T-É.
Après des essais le 10 avril 1897, la compagnie obtient l'autorisation préfectorale de circuler sur les lignes Dorian - Le Rond-Point et Châteaucreux - Bellevue. L'inauguration officielle aura lieu le 20 avril en présence entre autres, du maire Louis Chavanon et du député Georges Dorian fils de Frédéric dont la place porte le nom. Ce sera l'occasion d'un grand banquet pantagruélique comme il était de coutume à l'époque.


Inauguration officielle des tramways électriques place Dorian 20 avril 1897. Collection privée.


Un des premiers tramways électriques sur la Grand-Rue en 1907, archives municipales.


La place du peuple et le tramway électrique, l'hôtel des ingénieurs a remplacé la boutique du Sapeur on est donc après 1907, archives municipales.


Ce modèle de tramways ne commencera à être remplacé que vers 1958-59, archives municipales.

Dans les années 1930 la Compagnie des Tramways Électriques (T-É) va être absorbée par la Compagnie des Chemins de Fer à Voie Étroite (CFVE) elle-même remplacée en 1981 par la Société de Transport de l'Agglomération Stéphanoise (STAS).

Petit à petit les lignes disparaissent, les rails enlevés et les pavés recouverts par le bitume. Les tramways laissent la place aux trolleybus qui eux-mêmes sont remplacés un peu plus tard par des bus. Seule la ligne Bellevue - La Terrasse va continuer à être exploitée avec de nouvelles machines.


Les nouveaux tramways mis en service à partir de décembre 1958, archives municipales.

L'écologie va modifier la vision urbaine et deux nouvelles lignes de tramways vont être ouvertes. L'une va reprendre une ligne qui existait autrefois, place du Peuple - Châteaucreux ouverte en 2006, l'autre, est une création mise en service en 2019 pour desservir le stade Geoffroy Guichard et les lieux de spectacles comme le zénith et la Comédie de Saint-Étienne.
C'est au tour des trolleybus de revenir pour se substituer aux bus diesel.


De nouveaux tramways, © Sonia Barcet / Saint-Étienne Métropole.


Les derniers tramways reçus, photo France-bleu.

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