Ravachol

 

Il est né à Saint-Chamond le 14 octobre 1859, sous le nom de François Claudius Ravachol, fils naturel de Marie Ravachol, ouvrière sur soie. Son père, Jean Adam Koningstein (orthographe de l'état-civil), épousera Marie Ravachol à Izieux le 3 février 1862, reconnaissant l'enfant qui, à l'état-civil, portera alors son nom. C'est pourtant sous le nom de Ravachol qu'il se fera tristement connaître.

Sa mère est née à Izieux le 10 novembre 1834.
Son père est né à Heerlen près de Maastricht (Pays-Bas) le 21 février 1833, il était lamineur aux forges Petin & Gaudet.

Ravachol est le seul de la fratrie à naître sous le nom maternel. Suivront les naissances à Izieux de Marie Joséphine le 16 mars 1862, Marie Hélène le 16 janvier 1864 mais décédée le 16 février 1870, Henry le 26 mai 1866. Il y a aussi une fille morte à la naissance le 11 octobre 1870, déclarée comme étant la fille de Jean Adam Koningstein qui a quitté la France.
Curieusement, l'acte de mariage du fils Henry (à Givors le 5 octobre 1889), indique que le père est mort le 14 décembre 1867 à "Forst cercle d'Aix-la-Chapelle", donc en Allemagne, et largement avant la naissance de la dernière fille.

Marie Ravachol se retrouve seule avec ses enfants ce qui oblige François à travailler très jeune pour faire vivre la famille.

Dans le livret ci-contre (archives de Saint-Étienne) daté du 14 janvier 1874, il n'a donc que 14 ans, il est enregistré comme manoeuvre et, illettré, il ne sait pas signer.

A 16 ans, il devient apprenti teinturier à Saint-Chamond. Il va bientôt verser dans la mouvance collectiviste puis anarchiste.

En 1886, il est renvoyé, de même que son frère, de la teinturerie Vindry à Saint-Chamond pour avoir insulté un contremaître et se trouve sans ressources. Il commettra d'abord des petits larcins. Est-ce parce qu'il était l'amant de Madeleine Rullière née Labret qu'il a commis des actes de plus en plus graves ?

Il reconnaîtra avoir cambriolé la maison Loy, avoir exhumé, dans la nuit du 14 au 15 mai 1891, le corps de la baronne de Rochetaillée dans le cimetière de Saint-Jean-Bonnefonds pour voler les bijoux qu'elle aurait pu encore porter, ce qui n'était pas le cas. Il aurait aussi avoué à sa maîtresse avoir tué, le 30 mars 1886, à la Varizelle près de Saint-Chamond, Jean Rivollier, 86 ans, et sa servante Françoise Fradèle veuve Faure, 68 ans, ce qu'il niera à son procès. Il sera ensuite accusé d'avoir tué, le soir du 27 juillet 1891, avec la complicité de Joseph Marius Jas-Béala et Rosalie dite Mariette Soubère, Mme Jeanne Marie Marcon née Courbon, 76 ans et sa fille Marie Françoise, 46 ans, quincaillères 13 rue de Roanne à Saint-Étienne.

L'état-civil de Chambles (Loire) nous indique que Jacques Brunel, dit l'Ermite, religieux, domicilié à Notre-Dame de Grâce (commune de Chambles), né à Soleymieux, âgé de 96 ans, a été retrouvé mort dans son lit le 21 juin 1891. Rien n'indique qu'il a été assassiné mais c'est bien pour ce crime, commis semble-t-il le 18 juin, que Ravachol sera jugé à Montbrison. Arrêté à Saint-Étienne le 27 juin 1891, il parvient à s'échapper. Il va alors se cacher dans la région parisienne et participera aux attentats anarchistes à Paris en mars 1892.

L'arrestation de Ravachol relatée dans L'Écho de Lyon du 31 mars 1892 (BM de Lyon) :
Paris, 30 mars.
L'anarchiste Ravachol, qui commençait à devenir légendaire, à cause de la facilité avec laquelle il échappait aux recherches de la police, a été enfin arrêté aujourd'hui a midi, au n° 30 du boulevard Magenta, au coin de la rue de Lancry, chez un marchand de vins.
C'est M. Dresch, commissaire de police, assisté de quatre agents, qui a procédé à son arrestation.
Se voyant pris, Ravachol tira de sa poche un revolver qu'il dirigea sur M. Dresch. Mais, au même moment deux agents se jetèrent sur lui et le ligottèrent avant qu'il ait pu faire usage de son arme. Se voyant réduit à l'impuissance, Ravachol cria : « Vive l'anarchie ! »
Amené à la préfecture de police, il fut mesuré immédiatement par le docteur Bertillon, directeur du service anthropométrique, qui reconnut que c'était bien "Koenigstein", dit Ravachol.
Il a été ensuite écroué au dépôt.
Au moment de son arrestation, Ravachol était porteur d'un revolver chargé, calibre 9, d'une canne à épée, et il avait six cartouches de rechange dans sa poche.

Un premier procès a lieu devant la cour d'assises de la Seine et il est condamné pour sa participation aux attentats aux travaux forcés à perpétuité.

Son second procès a lieu devant la cour d'assises de la Loire à Montbrison le 21 juin 1892. Dans ce même procès sont jugés aussi Béala et Mariette Soubère. Dans son interrogatoire, Ravachol explique comment il a étranglé l'ermite.

Ravachol est reconnu coupable du cambriolage de la maison Loy, de la violation de la sépulture de la baronne de Rochetaillée et surtout de l'assassinat de l'ermite, ce qui lui vaut une condamnation à mort, condamnation qu'il accueille par ces mots : Je salue ma condamnation du cri de "Vive l'anarchie !". À l'énoncé du verdict sa soeur qui assistait au procès comme son frère Henry, s'évanouit. Les co-accusés sont acquittés. Les crimes de la Varizelle et de la rue de Roanne resteront impunis.

Il meurt à Montbrison le 11 juillet 1892 à 4 h 5 min, rien n'indique dans l'acte de décès qu'il vient d'être guillotiné par le tristement célèbre bourreau Louis Deibler. Cet acte précise qu'il est ouvrier teinturier, célibataire, domicilié à Saint-Étienne. Il semble que Louis Lépine ait assisté à l'exécution en sa qualité de préfet de la Loire. Il se dit que le couperet ne l'aurait pas laissé finir de crier "Vive la rév..." de sorte que l'on ne sait pas s'il voulait dire révolution ou révolte.

Document : texte que s'apprêtait à lire Ravachol lors de son procès, il en sera empêché par la cour mais ce texte a été repris par la presse notamment par Le Stéphanois du 24 juin 1892, le voici avec les fautes d'orthographe d'origine :

Si je prends la parole, ce n'est pas pour me défendre des actes dont on m'accuse, car seul la société qui par son organisation mets les hommes en lutes continueles les un contre les autres et responsable.
Et, en effet, ne voit-on pas aujourd'huit dans toutes les claces et dans toutes les fonctions, des personnes qui désire, je ne dirait pas la mort, parce que cela sonne mal à l'oreille, mais le malheur de leurs semblable si cela peut leur procurer des aventages.
Exemple : un patron ne fait il pas des voeux pour voir un concurrent disparaître ? Tous les commercents ne voudrait-il pas, et cela réciproquement, être seul à jouir des avantages que peut rapporter ce genre d'occupation ? L'ouvrier sans employ ne souhait il pas pour obtenir du travail que pour un motif quelconque Celui qui est occupé soit rejeter de l'atelier ?
Et bien dans une société où de pareils faits se produisent, on n'a pas à être surpris des actes dans le genre de ceux que l'on me reproche. Et bien, puisqu'il en est ainsi, je n'ait pas à ésité lorsque j'ai faim à employer les moyens qui sont à ma disposition, au risque de faire des victimes. Les patrons, lorsqu'il renvoye des ouvriers, s'inquiète-t-il s'il vons mourir, de faim ? Tous ceux qui on du superflu s'occupe-t-il s'il y a des gens qui manquent de choses nécessaires ?
Ainsi on fait la famille Hayem et la femme Souhein, qui a donné la mort à ses enfants pour ne pas les voir plus longtemps souffrir et toutes ces femmes qui, dans la crainte de ne pouvoir nourir un enfant, n'ésite pas à compromettre leur santé et leur vie en détruisant dans leur sein le fruit de leurs amours. Et toutes ces choses se passent an milieu de la bondance de toutes espèces de produits. On comprendrait que cela ait lieu dans un pay ou les produits sont rares, où il y a famine ; mais en France ou règne la bondance ou les vêtements, la chaussure sont entassé dans les magasins, où il y a des logements inoccupé, comment admettre que tout est bien dans la société quand le contraire se voit d'une façon aussi claire ?
Il y a bien des gens qui plaindront toutes ces victimes, mais ils diront qu'ils n'y peuvent rien, que chacun se débrouille comme il peut. J'ai préféré me faire contrebandier, faux monnayeur, voleur e meurtrier, assassin. J'aurai pu mendier, c'est dégradant et lâche et c'est même puni par vos lois qui font un délit de la misère.
Si tous les nécessiteux, au lieu d'attendre, prenaient où il y a et par n'importe quel moyen, les satisfaits comprendrait peut être plus vite qu'il y a danger à vouloir consacrer l'état social actuele où l'inquiétude et permanente et la vie menacée à chaque instant.
On dit qu'il faut être cruele pour donner la mort à son semblable, mais ceux qui parlent ainsi ne voient pas qu'on ne si résoud que pour l'évité soit même. De même vous, MM. les jures, qui sans doute aler me condamner à la peine de mort par ce que vous croirez que c'est une nécessité et que ma disparition sera une satisfaction pour vous qui avez horreur de voir couler le sang humain, mais que lorsque vous croirez qu'il sera utile de le verser pour assurer la sécurité de votre existence, vous nésiterez pas plus que moi à le faire, avec cette différence que vous le ferez sans courir aucun danger, tandis que au contraire, moi, j'ajissait au risque et péril de ma liberté et de ma vie.
Et bien ! messieurs, il n'y a plus de criminels à juger, mais les causes du crime à détruire. Toujours il y aura des criminels, car aujourd'hui vous en détruiré un, demain il y en a dix qui naîtront.
Que faut-il faire alors ? Détruire la misère, ce ferme du crime, en assurant à chacun la satisfaction de tous ses besoins. Et combien cela et facile à réaliser, il suffirait d'établir la société sur de nouvelle base où tous serait en commun et où chacun produirait selon ses aptitude et ces forces, pourrait consommer selon ses besoins. Alors on ne verrai plus des gens comme l'ermite de Notre-Dame-de-Grasse et autre mandié un métal dont il devienne le esclave et les victimes. On ne verra plus des hommes comme Pranzini, Prado, Berlant, Anastay et autres, qui, toujour pour avoir de ce métal, en arrivent à donner la mort. Cela démontre clairement que la cause de tous les crimes et toujours la même et qu'il faut vraiment être insensé pour ne pas le voir. Oui, je le répète, c'est la société qui fait les criminels, et vous, jurés, au lieu de les frapper vous devriez employer votre intelligence et vos forces à transformer la société. Du coup vous supprimeriez tous les crimes de votre oeuvre, en s'attaquant au causes, serait plus grande et plus féconde que n'est votre justice qui s'amoindrit à punir les effets.
Je ne suis qu'un ouvrier sans instruction, mais parce que j'ai vécu de l'existence des miséreux, je sens mieux qu'un riche bourgeois l'iniquité de vos lois répressives.
Où prenez-vous le droit de tuer ou d'enfermer un homme qui, mis sur terre avec la nécessité de vivre, c'est vu dans la nécessité de prendre ce dont il manquait pour se nourir ? J'ai travaillé pour vivre et faire vivre les miens. Tant que ni moi ni les miens n'ont pas trop souffert, je suis rester honête. Puis le travail a manqué et avec le chômage est venu la faim. C'est alors que cette grande loi de la nature, cette voie impérieuse qui n'admet pas de réplique, l'instin de la conservation, me poussa à commettre certain des crimes et délis que vous me reprochez et dont je me reconnais être l'auteur. Jugé moi, messieurs les jurés : mais si vous m'avez compris, en me jujant, jugez tous les malheureux dont la misère, allié à la fierté naturelle, a fait des criminels dont la richesse, dont l'aisance même, aurait fait des honnêtes gens. Une société intelligente en aurait fait des gens comme tout le monde.

Ancienne chapelle du couvent des Visitandines du XVIIe siècle qui a abrité la cour d'assises à Montbrison jusqu'en 1968.

Salle des assises où a été jugé Ravachol, AD42.

Déclaration de culpabilité de Ravachol du 23 juin 1892, AD42.
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