
Au hasard des tombes du cimetière Saint Claude, plus connu sous le nom de cimetière du Crêt-de-Roc, on peut voir celle d'un certain Moulines sur laquelle ne figure pas de prénom et des dates presque illisibles.
Parfaitement lisible au contraire, ces mots gravés "À l'instituteur Moulines mort victime de son dévouement" avec la signature "Le personnel enseignant de la Loire et ses nombreux amis".
Petit indice supplémentaire, est inhumée dans la même sépulture Marguerite Bruguier, veuve Moulines 1856-1937.
Ajoutant au mystère, un bronze représentant notre héros, signé G. Dupré autrement dit Georges Dupré, graveur et peintre stéphanois renommé (1869-1909).
Qu'avait donc bien pu faire cet instituteur pour mériter ces honneurs ?
La réponse se trouve dans la presse de l'époque. On y apprend que M. Moulines, directeur de l'école laïque de Grand-Croix, était venu passer la journée du dimanche 3 novembre 1901 à Saint-Étienne.
En attendant le train de 18h 26 en gare de Châteaucreux pour rentrer chez lui, il se promenait dans le grand hall et discutait avec des amis. C'est alors qu'il aperçut un homme sur la voie qu'une locomotive faisant une manoeuvre, allait inévitablement écraser. Monsieur Moulines se précipita sur l'imprudent pour le pousser hors de la voie et y parvint mais, dans son élan, l'instituteur glissa sur la voie et, malgré une tentative désespérée du mécanicien pour stopper sa machine, la locomotive passa sur le corps du malheureux lui sectionnant les deux jambes.
Le blessé fut immédiatement transporté à l'hôpital de la rue Antonin Moine. Il s'agissait de l'Hôtel-Dieu se trouvant à l'emplacement de la Grand Poste aujourd'hui, hôpital détruit quelques temps plus tard et remplacé par l'hôpital de Bellevue déjà en fonctionnement.
Monsieur Moulines est reçu par le docteur Duchamp, neveu de Victor Duchamp, qui fut maire de Saint-Étienne, et dont il porte le prénom. Ce chirurgien fut contraint d'amputer le blessé pensant ainsi pouvoir le sauver. Ce ne fut pas le cas et ce courageux instituteur mourut le vendredi suivant, 8 novembre 1901 sans avoir quitté l'hôpital.
Tel fut le destin tragique de cet homme dont l'acte de bravoure fut abondamment et chaleureusement salué.
César Victorin Moulines était né à Anduze dans le Gard le 28 décembre 1851 et avait épousé Marguerite Joséphine Bruguier, originaire d'Arles.
|